Troupe de reconstitution viking du IXe siècle

 

Eldrid Jegeren

L'une des rencontres qui m'ont le plus marquée, lorsque j'ai rejoint le clan avec ðormr, est sans nul doute celle avec Eldrid Jegeren (Eldrid la Chasseresse). Jamais jusqu'à présent je n'avais connu de femme comme elle, et cette rencontre allait me pousser à changer bien plus que je ne l'aurais cru.

Originaire des Geirangerfjords de l'ouest de la Norvège, c'est une femme peu ordinaire, très appréciée par les siens, mais d'un naturel assez solitaire. Elle n'a accepté les demandes en mariage d' aucun de ses prétendants, estimant qu'ils n'avaient rien à lui apporter qu'elle ne puisse obtenir par elle même.

Avant de rejoindre le clan, ses journées étaient principalement occupées par la confection de ses poteries qui étaient appréciées tant par ceux de son clan que par les marchands de passage, mais son habileté pour toutes les tâches manuelles (couture, fabrication d'objets en cuir et en peau, travail du bois, archerie...) faisaient d'elle une personne particulièrement respectée et admirée au sein de son village.

Chasseuse impitoyable, elle était capable de nourrir à elle seule toutes les femmes de son clan restées sans mari pendant les expéditions devenues fréquentes vers l'est. Ce talent lui permettait d'ailleurs de jouir d'une vie particulièrement confortable pour une fille de fermiers...

Lorsqu'elle fut découverte par Stig Tillson, dont les excentriques chasses aux trolls étaient devenues célèbres dans tout la région, elle était seule sur la "route des Trolls", non loin du fjord, où elle venait d'abattre à coup de hache - après lui avoir décoché quelques flèches pour le ralentir - un ours dont elle dégustait le foie encore chaud, adossée à sa carcasse !...

Intrigué par la forte personnalité de cette femme cinq fois plus petite que le colosse, ce n'est pas sans crainte qu'il l'aborda pour vérifier qu'il était sur la bonne route. Il comprit dès les premiers échanges qu'Eldrid avait un destin hors du commun, et il lui proposa de se joindre à son clan pour des expéditions vers l'ouest...

Pour la première fois, Eldrid exerce ses talents ailleurs qu'au sein de son clan natal, à qui son indéfectible dévouement doit cruellement manquer.

Ce qui me fascine toujours chez cette femme, même après plusieurs semaines passées à se côtoyer, ce n'est pas seulement son indépendance ou son caractère très fort, mais qu'elle se moque totalement de ce que l'on pense d'elle, et parvient à s'imposer à sa propre manière. Refusant une vie toute tracée de femme mariée, elle a su se faire accepter, admirer même, grâce à ses propres compétences.

On pourrait croire, à me lire, que l'amitié entre nous a été immédiate. Pourtant il n'en est rien. Les premiers jours, j'ai jugé et méprisé cette femme travestie en homme, parlant haut de batailles et contredisant Stig sur ses techniques de chasse. Ce n'est que plus tard, après une franche dispute entre nous, que j'ai enfin compris ce qui me gênait : j'étais tout simplement jalouse. Cette fierté, cette fougue et cette insouciance du regard des autres étaient des qualités qu'avait ma mère, des qualités que j'admirais chez elle... Qualités qui me manquaient.

Mariée depuis plusieurs années, habituée à vivre en bonne maîtresse de maison, j'en avais oublié mon héritage, mon enfance à moitié sauvage et mes désirs de liberté. Ráðormr n'était pourtant pas en cause, lui qui maintes fois m'avait proposé de l'accompagner, sentant mon envie de partir. C'était moi et moi seule, qui me privais de cette liberté, par peur du jugement de mon entourage, par peur de changer mes habitudes.

Après cette prise de conscience, j'ai réalisé que notre départ vers l'inconnu était en fait ce que j'avais toujours désiré : l'occasion de profiter de cette liberté que je m'étais jusque-là interdite. J'ai présenté mes excuses à Eldrid qui, loin d'être rancunière, m'a offert son amitié. Depuis, jamais je n'ai eu à le regretter.

Eldrid est une femme comme on en croise rarement. Il ne fait aucun doute que sa destinée est exceptionnelle et que c'est à la table des Dieux qu'elle festoiera dans son autre vie. D'ici là, son arc sera précieux et son courage indispensable aux victoires du clan.

 

Úlfrún Rúnfriðardóttir, 9 mois après le départ

(Ajouts et adaptation d'après un texte de Laura L.)

 
 



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