Troupe de reconstitution viking du IXe siècle

 

La saga du clan

Chapitre 2: Déroute


 

Le lendemain, un grondement indistinct mais persistant nous tira de notre sommeil. Les paupières encore lourdes et la tête bourdonnant comme si Eitri lui-même frappait son enclume sous nos crânes, il nous fallut un moment pour émerger complètement. Dùsi, plus sobre et plus alerte que le reste du groupe, fut le premier à réaliser le danger. Car le grondement s'était peu à peu mué en une véritable cacophonie, mélange de cris et de fracas d'armes, le brouhaha causé par une foule bigarrée mais nombreuse et, à première vue, très en colère. Une foule qui s'approchait dangereusement vite.

Tout ce petit monde semblait mené par deux hommes. Le premier, seul à cheval, tentait désespérément de faire entendre ses ordres à la vingtaine d'hommes armés qui avait pris la tête du cortège. Le reste de la foule ne portait pas d'armure et chacun semblait avoir pris pour arme ce qu'il avait sous la main, qui une hache de bûcheron, qui une faux, qui un simple bâton. Ceux-là étaient harangués par le deuxième meneur, un grassouillet en robe juché sur un mulet.


Jamais nous n'avions vu un assaut si stupidement mené, et nous en rions maintenant. Mais à cet instant, nous avions désagréablement conscience de n'être qu'une poignée, à peine éveillés et atteints d'une sévère gueule de bois. Mais nous étions aguerris, et nos réflexes prirent le pas sur notre surprise. Stig lança ses ordres. Chacun se saisit de son arme... et se prépara à fuir.

La fuite à pied n'était pas notre spécialité, loin de là. Elle se déroula pourtant sans encombre, nos assaillants dépenaillés ne semblant pas très enclins à nous suivre. Du moins, pas après quelques flèches bien placées, qui effrayèrent les montures mal entraînées des deux meneurs. Leur crédibilité mise à mal par une chute peu distinguée, la foule paysanne se dispersa bien vite. Les hommes en armes, que nous devinions être la milice d'une bourgade proche, ne semblaient plus très pressés de nous chercher querelle mais eurent la décence de ramasser leur chef et le rondouillard en robe. Celui-ci se précipita sur un coffre que nous avions dû abandonner dans notre fuite, le plus gros et le plus lourd de ceux rapportés la veille par nos guerriers. Cette trouvaille sembla le combler, bien que le coffre n'ait contenu que de vieux ossements inutiles...

 

La débandade de nos poursuivants nous avait permis de gagner un petit bois tout proche, et nous nous y étions réfugiés, en prenant soin cette fois de désigner des sentinelles. Le reste de la journée fut assez morose, chacun restant silencieusement plongé dans ses pensées, ruminant cette déroute humiliante. La situation n'était pas brillante : notre langskip inutilisable, les raids devenaient risqués. En l'absence d'un charpentier naval, les réparations prendraient un temps fou, si tant est que le navire fût réparable et qu'il n'eût pas déjà été découvert et brûlé. Nous n'avions aucun moyen de nous déplacer rapidement, et aucun moyen de rentrer chez nous. Pour la première fois depuis notre départ, l'avenir nous paraissait sombre et nos rêves furent tourmentés.
 

Úlfrún Rúnfriðardóttir

 
 



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